vendredi 18 février 2005

Lire sans s'endormir... Tout un programme !

Un des grands problèmes auquel je dois faire face depuis que je suis narcoleptique, et auquel j'ai beaucoup de mal à me faire, c'est la lecture... Fini le bon polard avant de s'endormir, bouclé dans la semaine à raison de quelques chapîtres par soir ! Quand j'arrive à la fin du paragraphe sans m'endormir, c'est que vraiment ce soir je n'avais pas sommeil ! Alors pensez, arriver à la fin de la page... A ce rythme, difficile de penser avaler plus d'un format "poche" d'une ou deux petites centaines de pages dans l'année. Dans ces conditions, comment voulez-vous rester intéressé tout au long du récit ? Impossible, même, de garder en tête les petits détails insignifiants du début, qui se révèlent d'une importance cruciale dans les cinq dernières pages. Finies aussi, les longues soirées d'hiver vautré sur les coussins au coin du feu de cheminée, passées à engloutir la moitié du dernier roman à la mode.
Et le boulot, en l'occurrence la recherche scientifique... Comment voulez-vous faire décement de la recherche, dans quelque domaine que ce soit --médecine, mathématiques, physique, biologie, histoire, philosophie, linguistique, informatique, et j'en passe et des meilleurs-- sans passer des heures entières à lire ? C'est une des activités de base de la recherche ! Lire, à ce stade, n'est plus un simple loisir, ça devient une nécessité professionnelle. Inutile de chercher bien loin comment faire autrement : impossible d'y couper !

Alors : comment faire ?

Pour commencer, lire doit devenir une activité en soi : inutile d'insister à vouloir lire le soir, sagement alongé dans son lit, après une dure journée de labeur. Oui, en effet, je me souviens vaguement que je trouvais très agréable de me détendre une heure ou deux en partageant les aventures de Miss Marple ou Fabio Montale, bien calé dans mon lit, avant de retrouver les bras de Morphée. Mais il faut bien se rendre à l'évidence : me détendre, bien calé dans mon lit, est justement la dernière chose à faire pour arriver à quelque chose avec ces satanés bouquins ! Donc c'est décidé : le temps que je ne passe pas tous les soirs à lire dans mon lit, je le prendrai le week-end, dans la journée, au moment où j'ai le moins de chance de m'endormir. Est-ce que ça suffit, me demanderez-vous ? Pas exactement, non. Mais ça aide déjà beaucoup, et on est sur la bonne voie. En organisant correctement mes journées, et en prenant le temps au moment où il faut, j'arrive à lire plusieurs pages d'affilée ! Oui, oui, vous pouvez rigoler, mais c'est déjà un progrès énorme.

Bon, mais clairement ça ne suffit pas. Que faire d'autre, alors ? Marcher... Voilà une solution ! Marcher. Rester perpétuellement en mouvement. Faire les cent pas dans le salon quand il pleut, sur la plage ou dans le parc quand il fait beau. Marcher, et encore marcher. Certes, à la longue ça fatigue, me direz-vous, mais au moins cette fois ça a pris 2h ! Et puis là, je l'ai méritée, ma sieste ! De toute façon, en moyenne au bout de 2h j'en aurais fait au moins une, alors...
Bon ; voilà déjà une bonne chose de réglée. Je peux à nouveau me délecter des bons mots de Marcel Pagnol ou Jean Giono.

Maintenant, le boulot. Parce que ça, ça marche le week-end, à la maison, mais au boulot, alors ? Eh, bien, au boulot, j'ai la chance de pouvoir faire la même chose, dans une certaine mesure. Au début, je ne vous cache pas que les gens me regardaient un peu de travers, les premières fois qu'ils m'ont vu déambuler dans les couloirs, mon bouquin ou mes quelques pages de papier à la main. Mais très vite ils en ont pris l'habitude, et je n'ai maintenant plus droit qu'à un petit sourire en coin chez certains lorsque je les croise, ou au pire à un petit commentaire qui se veut spirituel, et auquel la plupart des narcoleptiques apprend de toute façon très vite à répondre quasiment du tac au tac. Personnellement je m'y suis fait, et je joue maintenant avec ça en rentrant dans le jeu de ces petits commentaires. Tout en douceur et en sourire. La meilleure façon, pour moi, d'avoir la paix très vite.

Ceci dit, et pour en revenir à nos moutons, la prose d'un rapport technique, ou de la démonstration par a + b du dernier théorème à la pointe de la technologie, ne se lit pas exactement de la même façon que la prose de Molière ou Théophile Gautier. On a souvent besoin d'un papier et d'un crayon par exemple, pour griffoner une note, faire un commentaire, surligner un passage ou vérifier un calcul. La solution de base, c'est évidement de se balader avec un crayon dans la poche, et de s'appuyer sur le mur le plus proche quand annoter l'article lui-même est suffisant. Malheureusement dans la majeure partie des cas ça ne l'est pas, suffisant. Et puis tant qu'il s'agit d'un feuillet de quelques pages ou d'un petit bouquin ça va encore, mais quand on s'attaque à la Grammaire Cambridge de la langue anglaise (The Cambridge Grammar of the English Language) en 1860 pages de Rodney Huddleston et Geoffrey Pullum, ça devient une toute autre histoire de se balader nonchalament pendant des heures avec je-ne-sais combien de centaines de grammes --si ce n'est de kilos-- au bout des bras ! Il y a des limites à la tolérance même d'un narcoleptique.

Ma dernière trouvaille pour pallier ce problème, c'est un pupître.

Un pupître un peu solide, bien sûr. Pas vraiment le genre qu'on plie en quatre ou cinq pour aller à la classe de trompette. Non, un truc un peu plus costaud. C'est qu'il faut les supporter, les 1860 pages, couverture cartonée ! Pour l'instant, je trouve ça très bien. La position debout permet de rester éveillé plus longtemps qu'assis au bureau. Et puis on peut travailler sur un passage, par exemple, avec un bloc note et un crayon à côté --pas comme quand on se balade dans le parc. Ceci dit c'est ma toute dernière trouvaille, et je ne pratique pas le pupître depuis assez longtemps pour encore vraiment parler d'expérience. Si ça vous intéresse, je vous tiendrez donc au courant dans quelques temps des suites de "l'expérience pupître" !

2 Commentaires:

Blogger JeanPhi (JP) a dit...

Je comprend rien à ton dernier commentaire... C'est marrant, j'aurais pas cru que tu connaisse même le nom de Zola. Ca y est, t'as appris à lire, alors ?

26 février, 2005 12:17  
Anonymous Ichrak a dit...

Bonjour JeanPhi, je sais que votre article date un peu mais j'ai les mêmes problèmes que vous décrivez, que ce soit à la lecture ou même en regardant des vidéos/la TV. Je n'ai pas fait de tests de diagnostic encore mais j'ai des problèmes d'endormissement à longueur de journée.
Et mon souci c'est qu'aujourd'hui avec la technologie et la conscience environnementale, tous les documents que je dois lire dans le cadre de mon travail sont consultables sur ordinateur uniquement, et le mien n'est pas portable, difficile donc d'aller se balader avec un PC fixe ... Auriez-vous un conseil à me donner pour palier au sommeil dans ce cas ?
PS : j'ai essayé la musique forte dans mes écouteurs mais ça m'empêche de me concentrer sur ce que je lis, du coup ça ne marche pas trop pour moi.
Merci d'avance pour votre réponse.
Ichrak

31 octobre, 2018 10:06  

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